Chroniques silencieuses

Ce triptyque monumental, intitulé "Chroniques Silencieuses", témoigne de la capacité de Sophie Dumont à capturer la quiétude et la richesse du monde des bibliothèques dans une composition à la fois structurée et vibrante. Composé de trois panneaux verticaux de 150 x 50 cm chacun, soit une dimension totale de 150 x 150 cm (encadrée en 157 x 171 cm), l'œuvre déploie un dialogue entre l'ordre et la couleur, entre le silence et l'intensité.

Les trois panneaux fonctionnent comme des variations d’un même thème : des étagères de livres, méticuleusement structurées, mais rendues vivantes par l’application généreuse de la matière picturale. Le langage du couteau est omniprésent, offrant une texture brute qui contraste avec la géométrie rigide des rayonnages. Cette opposition donne naissance à une tension subtile, où l’harmonie se construit dans l’équilibre des formes et des reliefs.

La palette de Dumont est riche et maîtrisée. Des tonalités neutres de gris et de blanc servent de toile de fond, soulignant la vivacité des rouges, des ocres et des noirs. Ces couleurs, disposées par touches verticales et horizontales, évoquent à la fois la diversité des récits et l’élégance du temps suspendu. Le panneau central, dominé par un rouge intense en partie supérieure, agit comme un point d'ancrage visuel, donnant une profondeur saisissante à l’ensemble. Ce rouge, presque théâtral, vient dynamiser l’œuvre tout en symbolisant la chaleur intellectuelle et la passion du savoir.

Chaque panneau, tout en étant autonome, s’inscrit dans une cohérence globale, offrant une lecture fluide mais jamais monotone. Cette construction tripartite n’est pas sans rappeler les œuvres minimalistes ou modernistes, où la répétition des motifs s’enrichit de légères variations. Ici, Dumont célèbre l’objet-livre, non pas comme un élément statique, mais comme un symbole de vie, d’échange et de mémoire.

Le titre, "Chroniques Silencieuses", accentue cette dimension poétique. Ces bibliothèques ne sont pas seulement des alignements d’ouvrages ; elles sont des gardiennes d’histoires, des témoins muets de la pensée humaine. Le silence suggéré par l’absence de figures humaines est presque palpable, tandis que la matière picturale semble murmurer les récits enfouis dans chaque volume.

Avec cette œuvre, Sophie Dumont démontre une fois de plus son talent pour réconcilier abstraction et figuration, texture et lumière, ordre et émotion. Le spectateur est invité à se perdre dans les détails des reliefs, dans les nuances de couleurs, et à projeter sa propre imagination sur ces étagères silencieuses. "Chroniques Silencieuses" est une ode au livre et à son pouvoir intemporel, un triptyque qui s’impose par sa simplicité apparente et sa force évocatrice.